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Lenovo, reflet des mutations économiques de la Chine

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Figure de proue du capitalisme chinois, Lenovo est aujourd’hui en proie à des difficultés économiques. Avec un bénéfice net en baisse de 50% par rapport à 2014 et une diminution de la demande mondiale en PC, la firme chinoise a annoncé en août dernier la suppression de 3200 postes. Alors que les indicateurs de l’économie chinoise sont au rouge, le rapprochement est tentant. Quels liens et parallèles unissent réellement Lenovo et le système économique chinois ?

Liu Chuanzhi
Liu Chuanzhi, cofondateur du géant industriel informatique Lenovo

L’essor de Lenovo sur la scène internationale est inhérent aux premières mesures de libéralisation de l’économie chinoise mises en œuvre par Deng Xiaoping, en 1978, par le biais du programme des « 4 modernisations » (agriculture, industrie, défense et technologies). C’est dans ce contexte que Legend, renommée Lenovo en 2003, est créée par Liu Chuanzhi en 1984. Financée en majeure partie par l’Etat à travers l’Académie chinoise des Sciences, l’entreprise suit les préceptes de la théorie du vol d’oies sauvages qui a largement inspiré le système économique chinois. Car après s’être lancée dans l’importation de téléviseurs pour approvisionner le marché national, Lenovo connaît un franc succès dans les années 1990 avec son système de traitement des caractères chinois sur PC. Petit à petit, l’entreprise monte en gamme et se lance dans la production de PC, rachetant en grande pompe la branche PC du géant américain IBM en 2005. Par cette acquisition, Lenovo affiche clairement son ambition de conquérir le marché américain et, dès lors, de concurrencer frontalement HP et Dell. Les avantages comparatifs de Lenovo sont notables : elle assure l’ensemble de la production sur son territoire, où la main d’œuvre est bon-marché, bénéficie d’un large marché intérieur protégé par l’Etat, et est éminemment présent sur le marché du Thinkpad adressé en grande partie aux professionnels.

Pièce maîtresse de l’Etat chinois (premier actionnaire avec 15% du capital) dans sa conquête de nouveaux horizons, Lenovo s’implante dans le monde, et notamment dans les marchés émergents. Elle installe des centres de décision à Singapour et à Raleigh aux Etats-Unis, ainsi que trois centres de Recherche & Développement en Chine, au Japon et à Bangalore, la « Silicon Valley » indienne. Son internationalisation prend également forme à travers ses acquisitions. Au rachat d’IBM en 2005, fer de lance de sa conquête du reste du monde, succède l’allemande Medion AG en 2011 spécialisée dans l’électronique grand public, puis une partie de la branche serveur d’IBM ainsi que Motorola Mobility, appartenant alors à Google, en 2014. La stratégie de Lenovo est de s’installer sur des grands marchés porteurs, et d’élargir son expertise à de nouveaux domaines. Le rachat de Motorola Mobility lui permet ainsi de se positionner rapidement sur des smartphones de moyenne gamme et de compenser son déficit de marque en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord. Aujourd’hui numéro trois mondial sur le marché des smartphones, elle ambitionne également de concurrencer, voire dépasser, Apple et Samsung.

Bouleversement de la hiérarchie mondiale

Pierre angulaire de l’économie chinoise, Lenovo illustre l’essor de la Chine dans l’échiquier mondiale. Avec un PIB multiplié par 17 en l’espace de 20 ans, entre 1990 et 2010, la Chine s’est hissée au second rang mondial derrière les Etats-Unis, subtilisant la place à son voisin japonais. Il en est de même pour Lenovo qui, surfant sur une vague de croissance, a rattrapé un à un ses concurrents dans le secteur des ordinateurs pour supplanter, en 2013, le leader américain HP. En avril 2014, la firme chinoise totalisait alors 19,4% des parts de marché, contre 18,3% pour HP. Face à la fébrilité du secteur des ordinateurs dans le monde, Lenovo se positionne sur un marché porteur : le marché des tablettes. Si cette dernière, avec 5,3% des parts de marché mondiales au premier trimestre 2015, est loin derrière ses concurrents directs Apple (26,8%) et Samsung (19,1%), elle est d’ores et déjà leader dans certains pays, comme la Russie et l’Arabie Saoudite.

Lenovo est aux entreprises occidentales ce que la Chine est aux pays occidentaux : un sérieux concurrent. Mais, à l’image de son pays d’origine, qu’elle a promu en étant le sponsor officiel des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, Lenovo connaît des difficultés, entre accusations d’espionnage et ralentissement de l’activité économique depuis le début de l’année. Ainsi en est-il de l’économie chinoise qui connaît, en ce moment, un essoufflement, malgré les plans de relance pour enrayer, notamment, la dégringolade des Bourses. L’avenir de Lenovo est-il alors tributaire de la santé économique de la seconde puissance mondiale ?

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